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Tribulations Tanzaniennes

Tribulations Tanzaniennes

Aventures et Mésaventures à Arusha, Tanzanie


Partie 2: Polé polé

Publié par Margaux B. sur 20 Septembre 2013, 19:42pm

Tribulations tanzaniennes. Cette expression ne pouvait être que adaptée à la première journée dans ma nouvelle mission. Nuit courte. Yeux gonflés. Désespoir collé aux chaussures. Je m'éveille au son de Viva la Vida à 5:58. J'accroche un beau sourire à mes lèvres, maquille la fatigue et la tristesse et enfile mes habits de réceptionniste.

J'ai visiblement bien fait mon travail. Les clients sont heureux. Et qu'elle n'est pas ma surprise quand entre une dame, très grande, très charismatique, aux cheveux courts. Perucy. Ex-manager d'un lodge à Zanzibar. Une tanzanienne, bilingue anglaise, qui va m'accompagner dans mes tâches quotidiennes. Elle dégage une autorité naturelle qui me force au respect. L'entente se fait naturellement. Un coup de coeur professionnel. Je lui fais visiter les lieux. Je le sais. Je le sens. Ce sera une belle collaboration. Très vite, nous nous répartissons les tâches. Elle au management du personnel, au ménage des chambres et au bar. Moi au restaurant, à la gestion des stocks et de la comptabilité ainsi qu'à la relation client. Elle m'apprend à déléguer et à vérifier, non à faire pour le personnel. Je retrouve des couleurs.

Rigueur, dynamisme, enthousiasme et confiance.

Ensemble, nous bâtissons le lodge. Inculquons à notre équipe ce que nous attendons d'eux. Prenons en charge la logistique. Tâchons de rendre l'expérience client la plus formidable possible.

Vous dire qu'il n'y a pas eu d'accroches, de désaccord, de bévues, d'engueulades, de coupures de courant serait bien sûr vous mentir. Exemple de désaccord. Nous accueillions un groupe de 13 personnes. Alors que je peaufinais le dessert en cuisine, elle a ordonné à la serveuse de débarrasser les entrées de ceux qui avaient fini pour les remplacer par le plat principal... Alors que certains n'avaient pas fini leur entrée ! J'étais bien sûre la seule à ne pas trouver cela normal. Ces détails font partie des combats de tous les jours pour assurer un service irréprochable. Rien n'est automatique. Comme dirait mon cousin, ton personnel, ce sont des poissons rouges. Tous les jours, plusieurs fois par jour, il faut s'acharner et répéter, répéter encore et encore. Jusqu'au jour où l'automatisme se déclenchera.

Note à moi-même: mon anglais devient courant mais a la fâcheuse tendance de se ponctuer d'expressions en swahili "This is shida". Ou mon français se ponctue d'anglais "Toi aussi tu es busy demain?". A éradiquer très vite.

Partie 2: Polé polé

J'avance doucement, mais sûrement. J'avance au rythme tanzanien. Au rythme polé polé. Moi qui me pensais peu habituée à la culture locale. Polé polé. Comme la piscine en travaux, qui devait être prête fin Août qui le sera fin Décembre 2013. Comme la femme de ménage qui met une heure et demi à faire une chambre. Comme mon taxi moto qui me dit qu'il arrive dans 10mn alors qu'il met 3/4 d'heure. Comme le propriétaire tanzanien du lodge qui me dit qu'il m'enverrait l'ensemble de ses factures le lendemain, j'attends maintenant les factures depuis une semaine. Comme la serveuse qui est censée avoir préparé le petit déjeuner à 6h du matin et que j'ai dû secouer pour avoir un résultat probant une demi-heure après. Comme mon amie du Marché Masaï qui devait me finir des poubelles en feuilles de bananier il y a 8 jours. Polé Polé. Ce rythme m'insupporte. En France on catégorise très vite les gens entre Parisiens stressés et Marseillais détente. Je serais plutôt dans la catégorie Stressée et Speed. Je suis impatiente. J'aime avoir tout et très vite (je croule sous les qualités). Alors forcément, quand j'avance sur un point et que je vois qu'il me reste une liste de 10 000 choses à cocher, je m'impatiente. Je désespère.

Seulement, je me le suis promis. Je serais patiente. Je ne me découragerais pas. Je me contenterais de petites victoires. Mais de petites victoires quotidiennes.

Ma plus belle récompense, ce sont les clients. Quand je vois qu'ils ont relevé les détails, les attentions. Même si j'ai toujours une piscine en travaux dans le jardin, des chambres que j'aimerais encore améliorer, une vaisselle pas forcément raccord, ils retiennent l'accueil et l'enthousiasme qui se dégage de notre équipe.

Ma plus belle récompense, ce sont les clients. Quand le réveil sonne à 5:58, que c'est si dur d'émerger de mes rêveries et de prendre ma douche au seau. Quand j'arrive dans le restaurant, que j'assiste au lever du soleil sur le lodge. Kilimandjaro en fond, Mont Meru au loin. J'en ai le coeur qui bat la chamade et le souffle coupé. Quand les clients arrivent, qu'ils me disent qu'ils ont passé une bonne nuit et qu'ils se régalent au petit déjeuner. Quand les clients sont sur le point de partir, qu'ils me laissent leur carte de visite et me remercient pour l'accueil.

J'ai appris à profiter des choses les plus simples de la vie. Cela peut paraître futile mais il y a tellement de choses simples dont on ne sait plus profiter en Europe. L'électricité qui fonctionne. L'eau courante. Les transports en commun. Un ciel étoilé. Un sourire sur le visage d'un inconnu. Des fruits et des légumes frais. Le plaisir d'avoir un lit sur lequel dormir.

Partie 2: Polé poléPartie 2: Polé poléPartie 2: Polé polé
Partie 2: Polé poléPartie 2: Polé poléPartie 2: Polé polé

La Tanzanie m'a donné un appétit de vivre auquel je n'aurais jamais espéré prétendre. Je suis avide de rencontres, de découverte, d'ailleurs et de chez moi. La Tanzanie ne m'apporte certainement pas le confort de vie auquel j'aspire. La Tanzanie ne me permet de "vivre" ce qu'un étudiant de 22 ans attendrait. La Tanzanie n'est pas safari ou Kilimandjaro.

La Tanzanie est rouge, la Tanzanie coupe le souffle, la Tanzanie fait mal, la Tanzanie est polé polé, la Tanzanie corrompt, la Tanzanie souffre de ses propres préjugés, la Tanzanie a chaud, la Tanzanie a froid, la Tanzanie a le palud, la Tanzanie vibre d'innovations, la Tanzanie manque d'infrastructures, la Tanzanie est misère, la Tanzanie est richesse.

La Tanzanie m'a fait virer au rouge, la Tanzanie m'a coupé le souffle, la Tanzanie m'a fait mal, la Tanzanie m'a rendue patiente, la Tanzanie m'a confronté à la corruption, la Tanzanie m'a permis de confirmer certains de mes préjugés, la Tanzanie m'a permis de sortir le maillot de bain, la Tanzanie m'a forcé à porter une polaire tous les soirs, la Tanzanie m'oblige à m'entourer d'un nuage d'anti-moustiques, la Tanzanie décuple ma créativité, la Tanzanie ne sait pas me soigner, la Tanzanie m'a permis de concrétiser mon projet avec l'orphelinat, la Tanzanie m'a enrichie.

Elle me façonne. Elle me change.

Je ne suis plus seulement Margaux B. Je suis Margaux avec un grand M (expression de mon papa...).

 

 

Une anecdote tanzanienne comme on les aime: Tanzanair est une compagnie aérienne locale. Dans un souci d'économie de coûts, cette dernière limite les pleins d'essence. Résultat ? Tadaaa http://aviationtz.blogspot.com/2013/08/tanzanair-plane-ditches-into-lake.html

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M
Wow tu me donnes les larmes aux yeux.<br /> Je t'aime très fort. Bravo bravo pour la qualité de ton écriture !
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J
Contente de lire que tu bénéficies d'une aide pour t'épauler au quotidien même s'il y a des désaccords. Tu vas y arriver ma petite bilingue, n'en doute jamais. Et si tu doutes, j'y croirai deux fois plus fort pour toi.
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N
❤️❤️❤️❤️❤️❤️
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